Bon comme j ai compris qu il y as un fan club de Peyron

et que l article D Isabelle Musy du Temps est accessible au seuls inscrits je vous l offre
Le navigateur français, co-skipper sur le voilier de Jean-Pierre Dick, vogue actuellement en tête de la Barcelona Wolrd Race. Attrapé par téléphone satellite, le vieux loup de mer parle de cette épopée commune avec l’enthousiasme de ses 20 ans
Depuis qu’ils ont passé le cap Horn, il y a huit jours, Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron voguent au ralenti. Freinés par la torpeur estivale d’un Atlantique Sud soumis aux effets de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Toujours en tête de la Barcelona World Race, le duo de Virbac-Paprec voit les Espagnols Iker Martínez et Xabi Fernández sur Mapfre revenir dans son rétroviseur. Pas de quoi agiter Peyron. Joint à bord pendant son quart de veille, le Français raconte cette vie à deux, cette expérience de plus dans son bagage hauturier déjà si riche. Sa voix chuchote. Si volubile à terre, elle semble s’être mise au diapason de la progression actuelle du voilier.
Le Temps: Racontez-nous le passage du cap Horn…
Loïck Peyron: C’était plutôt agréable. Pour plein de raisons. Déjà, parce que nous sommes en tête. Nous le sommes depuis Gibraltar en fait. Et surtout parce que nous l’avons franchi de jour et tout près. Je ne l’avais jamais passé de si près. Ça permet de l’apprécier pleinement. C’est toujours un moment à part. Ce n’est jamais anodin de passer le cap Horn. Le franchir signifie qu’on a déjà fait un bon bout du tour du monde. Ça ne marque pas la fin, loin de là, mais c’est la sortie de la zone des grandes hostilités. Cette fois, c’était vraiment sympa.
– Sur les photos immortalisant votre passage, on vous a vu barbu. Est-ce toujours le cas?
– Non. Je me suis rasé hier. En général, quand je rentre dans un anticyclone et qu’une grande période de calme s’annonce, je me rase, je nettoie le bateau et moi-même. Je suis donc tout propre. Ce n’est pas encore le cas de Jean-Pierre. Normalement, aujourd’hui, c’est son jour de toilette.
Vous êtes en effet en tête depuis Gibraltar et, vue de la terre, cette course donne l’impression d’être relativement figée. Est-ce frustrant? Aviez-vous imaginé qu’il y ait plus de jeu?
– On peut l’imaginer ou l’espérer, mais on peut surtout ne pas le regretter car finalement, ce n’est pas si mal comme ça. C’était très intéressant au début avec Foncia [sur lequel naviguaient Michel Desjoyeaux et François Gabart]. On se battait mètre par mètre avec eux. C’est sûr que depuis leur abandon [pour démâtage], il a manqué un peu de bagarre. Mais depuis la Nouvelle-Zélande, on se bat avec nos amis espagnols. Et là, si les distances paraissent grandes, en temps, ce n’est pas grand-chose. Ils ne sont pas loin derrière. Ils sont remontés sérieusement et ont failli nous dépasser au milieu du Pacifique. Pour l’instant, sur cette course, la position devant n’a pas été avantageuse. A chaque fois, ça revenait par-derrière. Il faut toujours se méfier. A priori, on devrait redécoller avant eux, mais on ne sait jamais.
– Comment était le Grand Sud cette année où l’été austral a été perturbé?
– Il était plutôt calme. L’obligation de respecter ces fameuses portes des glaces mises en place par les organisateurs nous a contraints à passer plus au nord. On a fait beaucoup plus de route que dans n’importe quel Vendée Globe, ou même lors de la précédente édition de la Barcelona. En raison de ces portes si nombreuses et si au nord, on a vogué sur une latitude assez nord, sur le 40e méridien, et on n’a fait que des sauts de puces dans les 50es. On n’a donc pas vu de glace. Je comprends l’intérêt de ces portes pour la sécurité, mais je déplore la perte du libre arbitre. Ça change le décor d’un tour du monde et ça restreint un peu le jeu. Je sais que c’est idiot de regretter une partie de l’aventure, c’est vrai que c’est une partie du globe très dangereuse. Et de toute façon, c’est toujours difficile d’argumenter quand on touche à la question de la sécurité. Un vaste sujet. Il n’empêche que c’est un peu frustrant. Sinon, d’un point de vue météo, le Pacifique, comme son nom l’indique, s’est montré très pacifique. Avec, pour nous, des conditions assez parfaites. Plus difficiles en revanche pour ceux de derrière. Nous, globalement, on a été assez chanceux.
– La vie à deux se passe-t-elle comme prévu, c’est-à-dire bien, entre les deux gentlemen que vous êtes, Jean-Pierre Dick et vous-même?
– Absolument (sa voix sourit). Ça se passe d’autant mieux qu’on est en tête sur un bateau en bonne santé. Le bateau – et les bonshommes aussi d’ailleurs – est en d’autant meilleure santé que nous nous sommes arrêtés deux fois. L’escale technique en Nouvelle-Zélande et ses 48 heures obligatoires [pénalité imposée par le règlement] nous ont permis de bien récupérer et de régler une grande partie des problèmes qui nous gâchaient la vie. Donc, oui, ça se passe extrêmement bien. On ne fait que se croiser finalement. C’est la monotonie de la course au large à laquelle je suis bien habitué. On se croise, on manœuvre et ainsi de suite. Pas de grands discours, mais de l’efficacité. Je trouve qu’on est assez efficaces et très complémentaires dans nos manières de faire. On fait bien tourner la machine. Depuis le début, on a cette capacité à aller vite et au bon endroit.
Avant le départ, vous disiez être quelqu’un de plutôt taiseux en mer. On le sent à votre voix. Vous paraissez beaucoup plus calme que lorsque vous vous trouvez à terre…
– C’est la sérénité de l’âge. Il est temps que je me calme un peu. Oui, sur l’eau, je suis en général tout sauf un excité. Je parais moins posé à terre. En mer, bizarrement, on a du mal à penser à deux choses en même temps. Alors qu’à terre on se retrouve assez vite noyé par plein de petites choses différentes à régler. En mer, c’est plus monothéiste comme religion. Même quand on a envie de penser à autre chose, la réalité du bateau, du mouvement, du bruit, des chiffres qui défilent là sous mes yeux – pendant que je vous parle, je passe mon temps à regarder la direction du vent et à régler le pilote automatique –, tout cela nous ramène à notre rôle à bord, à savoir la bonne marche du navire. C’est très accaparant. C’est un univers dont on n’arrive pas à se détacher. Et c’est tant mieux, finalement. C’est pour ça que les journées passent très vite. On ne ressent aucune espèce de frustration à ne pas être en contact avec la terre. Bien au contraire. On est dans une sorte de bulle. Or il n’y a pas de raison de s’agiter quand on est dans une bulle et qu’on y est confortablement installé.
– Que fait Jean-Pierre Dick en ce moment?
– Il dort.
– C’est donc pour ne pas le réveiller que vous parlez tout doucement…
– Oui, en gentleman que je suis, j’essaie d’éviter de réveiller mon voisin de palier qui ronfle dans son duvet, juste à côté de moi, comme un gentil petit marcassin à poil ras. Il ronfle bien, il faut l’avouer.
– Quand on a un parcours aussi riche que le vôtre et une telle expérience, que retient-on d’une course comme celle-ci?
– Juste le fait de me dire que j’ai eu de la chance de la faire. Après un tour du monde en solitaire [Vendée Globe] il y a 20 ans, un autre en équipage sur un gros catamaran [The Race] il y a 10 ans, j’avais envie d’en faire un en double sur un monocoque. Surtout que je ne sais pas si j’y retournerai un jour. En solo pourquoi pas, en double non, parce que je l’aurai fait. En fonction du résultat, je garderai la satisfaction du travail bien fait puisqu’avec Jean-Pierre on a su exploiter le potentiel de ce navire et l’avantage du duo. Et surtout, j’aurai pu constater que je ne m’en lasse pas. J’ai encore la capacité mentale et physique d’assumer un ensemble de tâches assez lourdes. J’ai une chance extraordinaire d’être encore en pleine forme à mon âge [52 ans]. Ça, c’est pour la satisfaction personnelle. Et d’un point de vue plus large, c’est une course assez passionnante à vivre. La gestion du double est quelque chose d’étonnant. Mais il est temps que ça s’arrête.
– Votre mésaventure sur le dernier Vendée Globe, où vous avez subi un démâtage, a-t-elle nourri votre envie d’y retourner et de disputer cette course?
– C’est sûr que la joie communicative que nous avons eue l’un et l’autre au cap Horn était essentiellement due au fait de ne pas avoir pu le passer la dernière fois en course [Dick avait aussi été contraint à l’abandon dans le dernier Vendée Globe]. Quand on prend le départ d’un tour du monde, on a vraiment envie de le finir. Et quand on n’y parvient pas, il reste un goût d’inachevé qu’on a très envie de combler.
– Avant le départ, vous disiez vouloir profiter des moments calmes pour dessiner des bateaux pour le projet en vue de la prochaine Coupe de l’America, que vous préparez avec votre frère Bruno. Arrivez-vous à libérer votre esprit pour ça?
– Un petit peu. Je suis en relation permanente avec l’équipe. Ils m’envoient des infos. Mais il est vrai que, même si les moyens de communication sont quasiment les mêmes qu’à terre, on ne peut pas se tenir informé de la même manière, et l’on ne peut pas se consacrer vraiment à quelque chose d’extérieur à la course. Heureusement, l’organisation mise en place avant de partir fonctionne et il y a suffisamment de gens qui œuvrent pour ce projet. Mais j’avoue qu’à Wellington j’ai failli prendre un avion pour aller à Auckland faire un petit coup d’AC 45 [les bateaux sur lesquels vont se disputer les régates en amont de la prochaine Coupe de l’America]. Le premier d’entre eux qui a été mis à l’eau navigue depuis trois semaines.
– Est-ce que le fait de savoir ce que vous allez faire après aide à vivre une telle expérience?
– Oui, théoriquement, mais il n’y a encore aucune certitude. Nous ne sommes pas encore au vent de la bouée avec notre projet Coupe de l’America, même si Bruno y travaille activement. Et puis, par moments, je me dis: est-ce bien raisonnable? Quand est-ce que je vais enfin m’occuper de ma femme et de mes enfants? Ça fait trente ans que je suis sur l’eau. Et en même temps, ce projet Coupe de l’America est passionnant. Il faut arriver à maturité pour s’attaquer à ce jeu-là, et nous avons à peu près toutes les cartes en main, notamment avec notre expérience en matière de multicoques.